Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/71

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ou quelque dieu veut—il accabler cette ville d’un nouveau malheur ? Non, non ; je découvre les complices d’une adroite machination. C’est une calomnie du vieux prê- tre, qui fait mentir les dieux, pour faire passer mon sceptre dans vos mains, à vous, Créon.

CRÉON.

Se peut-il que je pense à détrôner ma soeur ? Quand même la foi qui me lie à ma famille ne suffirait pas pour me retenir dans les bornes de ma position présente, j’aurais à craindre , au moins, les dangers d’une éléva— tion pleine de soucis et d’alarmes. Croyez-moi, c’est à vous de déposer volontairement , tandis que vous le pou- vez encore sans péril, un fardeau qui bientôt vous acca- blerait. Un rang moins élevé sera pour vous un plus sûr asile.

ŒDIPE.

Quoi l vous allez jusqu’à m’inviter à déposer le scep- tre, comme trop pesant pour mon brasl

CRÉON.

C’est un conseil que je donnerais à des rois qui seraient libres de rester sur le trône ou d’en descendre ; mais, pour vous, il vous faut subir les nécessités de votre fortune.

ŒDIPE.

Louer médiocrité, vanter les douceurs du repos et d’une vie oisive, telle est la marche ordinaire d’un am- bitieux qui veut régner. Ce calme apparent n’est presque jamais que le masque d’un esprit inquiet.

CRÉON.

Ma longue fidélité ne répond-elle pas suffisamment à de tels reproches ?