Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/121

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de pays qui ne retentisse du bruit de mon nom. Le Scythe errant sous les glaces de l’Ourse, l’Indien brûlé par le soleil, l’Africain soumis aux feux du Cancer, ont tous senti la puissance de mon bras. Je le prends à témoin, roi brillant du jour ; tu m’as rencontré sur tous les points où pénètrent tes rayons, et ta lumière n’a pu me suivre dans tous mes triomphes. J’ai dépassé ta carrière, et le jour est demeuré en deçà des bornes que je me suis posées. La nature m’a manqué, la terre s’est trouvée trop étroite sous mes pas. La nuit s’est agrandie devant moi ; les dernières profondeurs du chaos sont venues à ma rencontre, et je suis remonté sur la terre de ces profonds abîmes qui entraînent tout à eux. J’ai bravé les menaces de l’Océan, et nulle tempête n’a pu ébranler la partie du navire que je pressais du poids de mon corps.

Mais ce que je rappelle ici n’est que bien peu de chose. Déjà le ciel épuisé ne peut plus suffire à la haine de ton épouse ; la terre n’ose plus enfanter de monstres, ni me fournir de nouvelles bêtes à vaincre. Ma valeur n’a plus où se prendre, et déjà il n’y a plus sur la terre d’autre monstre que moi. Que de fléaux, que de crimes j’ai surmontés ou punis sans armes ! tout ce que j’ai trouvé de terribles ennemis, ces seules mains les ont terrassés : les bêtes les plus cruelles n’ont effrayé ni ma jeunesse ni mon enfance. Les travaux qu’on m’a imposés ne sont rien. Aucune de mes journées n’est demeurée oisive. Quels horribles monstres j’ai détruits sans attendre les ordres d’un tyran ! mon courage m’excitait mieux encore que la haine de Junon. Mais que m’a-t-il servi d’assurer