Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/139

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court, elle s’égare, elle s’arrête. Sa fureur se peint tout entière sur son visage, presque rien n’en reste au fond de son cœur. Les pleurs succèdent aux menaces ; son visage change à tous moments, et sa fureur ne garde pas une expression constante : l’ardente rougeur de ses joues fait place à la pâleur, et sa rage se produit sous toutes les formes. Elle se plaint, elle prie, elle éclate en gémissements. Mais la porte s’ébranle : c’est déjanire elle-même qui accourt à pas précipités ; les secrets de son cœur se trahissent par le trouble de son visage.

Déjanire

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En quelque partie du ciel que tu habites, épouse de Jupiter, envoie contre Hercule un monstre qui me venge ; s’il est une hydre aux têtes renaissantes, trop vaste pour qu’aucun marais puisse la contenir, et invincible ; s’il est quelque bête farouche, horrible, cruelle, démesurée, dont la vue seule glace de terreur mon perfide époux, qu’elle sorte des profondes entrailles de la terre ! ou si tu me refuses les monstres que je te demande, change-moi, je te prie, moi-même en quelque monstre ; ma haine se prête aux formes les plus hideuses ; donne-m’en une qui réponde à mon désir de vengeance : ce corps de femme ne peut contenir les violentes pensées qui m’obsèdent.

Mais pourquoi fouiller dans les derniers replis de la terre, et bouleverser le monde ? pourquoi demander des monstres à Pluton ? Dans ce cœur, tu rencontreras tous les monstres qui l’ont fait trembler ; qu’il devienne l’instrument de ta haine de marâtre : je le suis comme toi, tu peux maintenant te venger d’Hercule. Conduis mes