Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/169

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pleurons vos malheurs, fille d’Œnée : nous pleurons l’abandon qui menace votre couche nuptiale. Autrefois nous traversions avec vous les flots de l’Achéloüs, lorsque, à la fin du printemps, ses eaux débordées rentraient dans leur lit, et que ce fleuve coulait d’un cours égal et tranquille, n’étant plus soulevé par l’irruption des ondes fangeuses du Lycormas. Avec vous nous allions aux temples de Minerve, et nous formions des danses virginales. Avec vous encore nous célébrions les fêtes mystérieuses de Bacchus, en portant dans nos mains les corbeilles thébaines, quand, chassant les constellations d’hiver, le troisième été ramène le soleil, et que les dames athéniennes s’enferment pour célébrer les fêtes silencieuses d’Eleusis.

Et maintenant encore, quelque malheur qui vous menace, recevez-nous comme vos fidèles compagnes ; rarement la fidélité reste, quand le bonheur s’en va. O vous qui vous asseyez sur le trône, c’est en vain que tout un peuple de courtisans vient assiéger les cent portes de votre palais : parmi tous ces hommes qui vous entourent, à peine trouverez-vous un ami fidèle. Erinnys veille en sentinelle sur votre seuil doré, et quand vos larges portes se sont ouvertes, elle fait entrer la ruse, la perfidie, et les poignards cachés : quand vous marchez parmi vos sujets, l’envie accompagne vos pas. Le réveil des rois, chaque matin, est pour eux comme une nouvelle naissance. Peu d’hommes savent aimer le