Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/171

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roi autant que la royauté ; le plus grand nombre est séduit par l’éclat du trône : l’un veut marcher le second du royaume après lui, et l’amour de cette vaine gloire brûle son cœur ; un autre désire satisfaire l’avarice qui le tourmente, gouffre insatiable qui ne serait pas rempli par tous les diamants du Danube, soif ardente que n’étancheraient pas tous les trésors de la Lydie, ni ceux, de la contrée occidentale qui voit briller l’or dans les eaux argentées du Tage, ni les riches possessions que l’Ebre arrose, et qui serait la même quand il se verrait maître des fécondes plaines de l’Hydaspe, et que le Gange tout entier coulerait dans ses domaines. Le monde n’est pas assez grand pour l’avarice : celui-ci ne recherche pas la faveur des rois pour avoir des terres labourables où mille fermiers soient éternellement courbés sur les sillons : il n’aime de richesses que celles qu’il peut enfouir. Cet autre ne se fait courtisan que pour dominer sur ses semblables, et perdre ceux qui lui déplaisent, sans rendre service à personne : ce n’est que pour faire le mal qu’il recherche la puissance. Combien peu de ces hommes meurent au temps marqué par la nature ! heureux la veille, le lendemain les voit misérables : la vieillesse et le bonheur se rencontrent rarement sur la même tête. Plus doux que la pourpre de Tyr, le gazon des champs procure un sommeil exempt d’alarmes ; mais le repos fuit les lambris dorés, et l’inquiétude veille sur une couche somptueuse. Oh ! si le cœur de ces hommes puissants venait à s’ouvrir, que de soucis et de troubles on y verrait ! Il y a moins d’orages dans la mer du Brutium quand elle est soulevée par le Corus. L’âme du pauvre