Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/175

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Mais la cruelle Erinnys poursuit de son flambeau ceux dont les peuples célèbrent la naissance. Pour que le pauvre comprenne son bonheur, il faut qu’il voie la chute des heureux. L’homme qui s’écarte du milieu de la route ne trouvera jamais une voie sûre. Jaloux d’éclairer le monde un seul jour, le fils du Soleil s’assied sur le char de son père : mais il ne sait pas tenir la route accoutumée ; il conduit le char à travers des régions célestes qu’il n’avait jamais parcourues, et se perd en causant la ruine du monde. Pour n’avoir pas quitté la moyenne région de l’air, Dédale revit sa chère patrie, et ne donna son nom à aucune mer ; mais Icare, voulant surpasser les oiseaux même, et méprisant l’essor de son père, s’approche du soleil, et son nom reste à une mer inconnue.

Les grands revers suivent les grandes fortunes ; je laisse à d’autres l’éclat de la richesse et de la puissance, et cette foule idolâtre qui courtise la grandeur. Je veux que ma barque rase modestement le rivage, et je ne souffrirai pas qu’un vent impétueux l’emporte au milieu des mers. La fortune laisse de côté les golfes paisibles, et va chercher parmi les hautes vagues les navires dont les voiles orgueilleuses frappent les nues.