Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/181

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en faire l’épreuve. Nessus m’avait défendu d’exposer son sang à l’action du soleil et du feu ; cette précaution même devait me faire craindre quelque piège. Le soleil ardent et sans nuages versait une vive lumière sur le monde. La frayeur me permet à peine d’ouvrir la bouche : le morceau de laine où j’avais répandu ce sang pour en teindre la robe et le vêtement d’Hercule, jeté au soleil et exposé à l’ardeur de ses rayons, s’est échauffé tout à coup à l’impression de la lumière, et a pris feu. C’est à peine si je puis raconter ce prodige. Comme les tièdes haleines du vent d’est ou du vent du midi fondent les neiges qui, aux premiers jours du printemps, s’écoulent par les pentes inclinées du Mimas ; comme les vagues de la mer Ionienne se brisent contre les roches de Leucade, et que leur écume vient mourir jusque sur le rivage ; comme l’encens se dissipe en fumée au feu des autels, ainsi la laine se consume et se détruit : et pendant que j’admire ce prodige, la cause de mon admiration cesse elle-même d’exister. Bien plus, la terre écume et s’agite ; tout ce qui a reçu le contact de cette liqueur fatale semble prêt à se dissoudre. (Elle se gonfle, suit en silence, et secoue la tête.)

Mais j’aperçois mon fils éperdu qui accourt ici d’un pas rapide : parlez, mon fils, quelle nouvelle apportez-vous ?