Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/203

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femmes parmi lesquelles je veux prendre ma place. Mais que dis-je ? elles ne pourront même souffrir ma présence.

Invincible époux, ce sont mes mains qui sont criminelles, mais mon cœur ne l’est pas. Crédulité funeste ! perfide Nessus ! fatale ruse du Centaure ! en voulant ravir Alcide à une rivale, je me le suis ravi à moi-même. Loin de moi le soleil ! loin de moi la vie, dont le charme retient les malheureux sur la terre ! Si je dois y vivre sans Hercule, ce monde n’est plus rien pour moi. Je vais te venger, et donner ma vie pour expier mon crime. Faut-il prolonger mon existence, et réserver mon trépas à tes mains ? te reste-t-il encore quelque force, et tes bras pourront-ils au moins tendre ton arc de manière à lancer des flèches ? ou tes armes te sont-elles devenues inutiles, et ton arc n’obéit-il plus à ta main languissante ? Si tu as encore la puissance de donner la mort, noble époux, je veux l’attendre de tes mains : oui, je l’attends ; brise-moi comme l’innocent lichas ; sème les débris de mon corps par les villes étrangères ; lance-moi dans un monde inconnu de toi-même ; détruis-moi comme tu as fait le monstre d’Arcadie, et tous ceux qui t’ont résisté, mais que tu as cependant vaincus.

Hyllus

Renoncez à ce dessein, je vous en prie, ma mère ; excusez en vous la faute du hasard ; l’erreur n’est jamais criminelle.

Déjanire

Si tu veux montrer une véritable tendresse pour ta mère, ô mon fils ! tue-la. Pourquoi ta main tremble-t--