Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/209

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Aux accords de sa voix, le fleuve suspendait son cours impétueux, et l’onde s’arrêtait, oubliant de couler ; et pendant que les flots demeurent ainsi enchaînés, les peuples de la Thrace croient que l’Hèbre s’est tari. Les arbres amenaient, pour l’entendre, les oiseaux dont ils étaient chargés, et outre ceux-là qui venaient avec les bois, ceux qui, en volant par les airs, étaient frappés de son chant, oubliaient d’agiter leurs ailes et se laissaient tomber. Les roches de l’Athos se détachaient, emportant les Centaures dans leur chute ; et le Rhodope, venu pour l’entendre, voyait ses neiges st fondre aux accents de cette douce voix. La Dryade, abandonnant le chêne qui lui sert d’asile, accourt auprès du chantre divin, et les bêtes sauvages s’y rendent avec leurs repaires. Le lion d’Afrique s’arrête au milieu des troupeaux que sa présence n’effraie plus ; les daims ne tremblent point devant les loups, et le serpent sort de sa retraite, oubliant pour la première fois son venin.

Bien plus, lorsqu’il traversa les cavernes de l’enfer, pour descendre au séjour silencieux des Mânes, en touchant les cordes de sa lyre plaintive, le Tartare même et ses divinités sévères furent touchés de la mélancolie