Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/273

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aussi que Junon irritée fera tomber sur moi le poids de sa colère ; elle triomphe maintenant par le trépas d’Hercule ; elle peut assouvir sa haine sur sa rivale ; le fils que j’ai mis au monde était trop redoutable, pour qu’il me soit permis d’en enfanter un autre.

Où me réfugier ? quel lieu, quel pays, quelle partie de l’univers m’offriront un asile assez sûr ? dans quelle retraite me cacher, moi, la mère d’Hercule ? Par toi, je suis connue en tous lieux, o mon fils ! si je veux retourner dans ma patrie, et dans le triste palais de mes pères, je crains Eurysthée qui règne dans Argos. Irai-je dans Thèbes où régna mon époux, sur les bords de l’Ismène, revoir ce lit nuptial où je reçus dans mes bras Jupiter amoureux ? Ah ! plût au ciel qu’il m’eût aussi frappée de la foudre ! plût au ciel que le fer eût ouvert mes entrailles et qu’on en eût retiré Hercule enfant ! C’est mon malheur, oui, mon malheur, d’avoir vécu pour voir mon fils égaler la gloire de Jupiter. Cet avenir connu, la mort ne pouvait rien m’ôter. Quel peuple, ô mon fils ! conservera la mémoire ? l’ingratitude règne dans le cœur de tous les hommes.

Faut-il me réfugier à Cléones, ou chez les habitants de l’Arcadie, et chercher un asile dans cette terre immortalisée par les bienfaits ? Ici est tombée l’hydre de Lerne, là les oiseaux du Stymphale, là un tyran, là encore le lion terrible qui, terrassé par tes mains, brille au ciel pendant que tu es au tombeau ! S’il y a de la reconnaissance au monde, tous les peuples se lèveront pour la défense d’Alcmène. Faut-il gagner la Thrace et les peuples de l’Hèbre ? cette terre encore doit son repos