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ACTE SECOND.


SCÈNE I.

SÉNÈQUE.

J’étais content de mon sort, ô Fortune ! quand tes caresses perfides m’en ont tiré : fallait-il m’élever si haut de ta main puissante, pour m’exposer à une plus lourde chute, et m’environner de précipices effrayants ? J’étais plus heureux, à l’abri de l’envie, dans ma retraite solitaire où la mer de Corse m’entourait de ses flots : j’étais le maître de tous mes instans, et mon esprit, librement et sans trouble, se livrait à ses études chéries. Avec quel ravissement je contemplais le ciel, chef-d’œuvre de la nature, et la gloire de son éternel auteur, et le cours mystérieux des astres, et l’harmonie du monde, et le lever et le coucher du soleil, et le disque de la lune avec son cortège d’étoiles errantes, et le brillant éclat de la voûte céleste !

Si ce monde vieillit, s’il est vrai qu’il doive rentrer dans la confusion du chaos, nous touchons sans doute à ce jour suprême qui verra cette génération coupable écrasée sous la chute du ciel, pour faire place à une race nouvelle et meilleure, pareille à celle qui peuplait le monde jeune encore, sous le règne de Saturne.