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monde entier de son doux poison ; il se fortifia de plus en plus par le progrès du temps et de l’erreur.

Tous les vices, lentement amassés pendant tant de siècles, débordent aujourd’hui sur nous : le malheureux siècle où nous vivons est le règne du crime ; l’impiété furieuse marche la tête levée ; l’adultère et la débauche souillent la terre et la dominent effrontément. Le luxe, vainqueur du monde, ne ravit de ses mains avares d’immenses richesses que pour les engloutir en pure perte.

Mais voici Néron qui s’avance : il a l’œil hagard et l’air agité : je frémis des idées qui l’occupent.


SCÈNE II.

NÉRON, LE PRÉFET, SÉNÈQUE.
NÉRON.

Exécutez mes ordres, et faites qu’on m’apporte les têtes de Plautus et de Sylla.

LE PRÉFET.

Vous serez obéi sans retard : je vole au camp.

SÉNÈQUE.

Ces hommes vous touchent de près, il ne convient point de les condamner ainsi légèrement.

NÉRON.

Il est facile d’être juste, quand on n’a rien à craindre.

SÉNÈQUE.

La clémence est un remède puissant contre la crainte.