Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/365

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autrefois l’union de Pélée avec la fille des mers orageuses, hymen fameux que les divinités du ciel célébrèrent à l’envi avec celles des eaux.

Quel soudain malheur a changé votre visage ? d’où vient cette pâleur, et que veulent dire ces larmes ?

POPPÉE.

Un songe affreux, chère nourrice, m’a glacée d’horreur cette nuit ; il trouble encore ma raison, et m’ôte l’usage de mes sens. Quand la lumière du soleil eut fait place aux étoiles, et que les ténèbres eurent couvert la face du ciel, je me suis endormie dans les bras de mon cher Néron ; mon sommeil ne fut pas longtemps paisible : il me sembla voir une foule nombreuse en habits de deuil entourer mon lit : les dames romaines, les cheveux épars, faisaient entendre des cris lugubres ; à plusieurs reprises, le son terrible de la trompette se fit entendre, et je vis la mère de mon époux agiter avec menace une torche ensanglantée. Je la suis, entraînée par l’effroi ; mais tout à coup la terre ébranlée ouvre sous mes pas un abîme immense, où je vois tomber le lit nuptial sur lequel je me repose tremblante et sans forces. Alors s’approche de moi mon ancien époux, Crispinus, et son fils, entourés d’une foule nombreuse. Crispinus se jette aussitôt dans mes bras, et me couvre de ses baisers longtemps interrompus, quand tout à coup Néron furieux entre dans mon appartement, et lui plonge un affreux poignard dans le sein.

La terreur dont j’étais saisie m’arrache enfin au sommeil ; un tremblement universel agite tous mes membres