Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/63

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rible de Méduse, et les feux paternels. De nouvelles tempêtes sifflent dans l’air : seul, invincible à tant de maux, Ajax lutte encore ; comme il veut plier ses voiles, un éclat de foudre l’effleure. Mais la déesse balance un nouveau tonnerre en ses mains ; de toute sa force et de tout l’effort de ses bras, elle le lance en imitant son père. Le trait enflammé traverse Ajax et son vaisseau, et emporte quelque débris de l’un et de l’autre. Lui, toujours intrépide quoique brûlé de la foudre, s’élève comme un roc au dessus des flots ; il fend cette mer furieuse et partage les vagues avec sa poitrine ; il saisit et entraîne son vaisseau, et le feu qui l’embrase le rend visible au milieu des sombres flots.

Enfin, debout sur un écueil, il crie d’une voix tonnante et furieuse qu’il a vaincu la mer et les feux : « Je triomphe, dit-il, du ciel, de Pallas, de la foudre et des flots : je n’ai point reculé devant le terrible dieu des combats ; seul, j’ai soutenu les coups d’Hector et les attaques de Mars ; les traits d’Apollon ne m’ont point ébranlé, j’ai triomphé de ces dieux comme des Troyens : pourrais-je craindre ces foudres sans force lancées par une main étrangère ? Quand ce serait Jupiter lui-même… » Sa fureur allait oser davantage, quand Neptune, levant sa tête au dessus des mers, brise d’un coup de son trident le rocher sur lequel il s’appuie, et le blasphémateur est entraîné dans sa chute, vaincu enfin par la terre, la mer et le feu réunis contre lui seul.

Nous, un autre fléau plus cruel nous est réservé. Il est une eau basse à fond perfide et plein de rochers que le traître Capharée cache dans les gouffres qu’il domine.