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ACTE CINQUIÈME.


Scène I.

CASSANDRE.

Il se passe au dedans De ce palais un évènement terrible et comparable aux dix années de Troie. Qu’est-ce donc, ô ciel ! ranime-toi, mon âme, et jouis de ta fureur prophétique. Troie vaincue triomphe à son tour. C’est bien, Ilion se relève, puisque dans sa chute il entraîne Mycènes ; notre vainqueur est terrassé. Jamais l’enthousiasme prophétique ne m’a présenté de plus claires images. Je vois, je suis présente, je jouis. Ce n’est point un vain fantôme qui se joue à mes yeux ; c’est un spectacle réel : je vois dans ce palais un festin pareil au dernier festin de Troie ; ces lits sont couverts de la pourpre d’Ilion ; ils boivent le vin dans les coupes d’or du vieil, Assaracus. Agamemnon est au haut bout de la table ; ces tapis somptueux sur lesquels il repose, ces riches habits dont il est revêtu, sont les magnifiques dépouilles de Priam. Clytemnestre l’invite à quitter ces vêtemens d’un ennemi, et à en recevoir plutôt un autre tissu, par les mains d’une fidèle épouse. — Je tremble, je frissonne. — Un vil banni tuera-t-il son roi ? un infâme adultère pren-