Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/232

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toutes nos erreurs, dans la lente altération des vérités
primitives ; les fléaux dévastateurs, dans l’abus des
institutions heureuses ; et les peuples modernes opprimés par
les bienfaits d’hommes antiques. Les traces anciennes se

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découvrent sous les pas des Bailly, et s’interprètent par
la science des Gebelins. Les fables que l’on prétendoit
absurdes, deviennent les allégories de la vérité ; et l’erreur
audacieuse n’insulte plus à la sagesse des tems meilleurs.
Le scepticisme dévoile les préjugés, et des principes

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féconds montrent à leur place des vérités long-tems
méconnues. Les Bayle, les Freret, les Boulanger, pèsent
les probabilités et cherchent la raison première des choses.

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Le génie que je suppose pénètre par l’onomatopée dans
la nuit de la formation des langues il en bannit

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l’arbitraire qui rendoit leur étude sèche et vaine, et faisoit de
leurs restes précieux [S 1] des débris inutiles à la raison.
Un grand principe lui aide à lever le voile de la nature,
c’est que rien n’existe en elle sans une cause nécessaire ;
un principe non moins vrai portera pour lui la lumière

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dans les ténébreuses institutions humaines ; il verra que
cet agent de la nature n’a rien établi sans une raison première
et que c’est à l’oubli seul de cette cause originale,

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que sont dus tous les abus [S 2] qui ont donné les carac|tères
  1. Nulle connoissance antérieure n’est plus nécessaire à
    l’intelligence des opinions de toutes les contrées, et de leur liaison si
    long-tems méconnue et si propre à désarmer le fanatisme, que
    celle des premiers principes des langues et de leur source
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    commune. La connoissance du Zend, du Pelhvi, du Samscretan, de
    la langue de Tangut, et de celle commune à tout l’ancien Nord,
    ne sont que les premiers pas pour parvenir à l’alphabet primitif
    imaginé de nos jours, et par lequel seul on peut lire le grand livre
    de la pensée humaine dans tous les âges.
  2. Les préceptes eussent été inutiles pour les choses que la
    multitude eût été portée à faire naturellement et sans efforts. Ce
    qui étoit prescrit demandoit donc du courage, de la vertu dans