Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/231

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Un certain instinct de ce qui est grand et universel le

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place dans les voies de la nature, | et lui dévoile tout

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ce qu’une intelligence limitée peut atteindre. Un sentiment
d’ordre et de convenance lui fait pressentir ce qu’il
ne sauroit voir, et interpréter en quelque sorte ce que
nul homme ne peut entendre.
Disciple de la vérité seule, mais non des maîtres les

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plus célèbres parmi les hommes ; admirateur, mais non
sectaire des Descarte ou des Newton, s’il cherche par
quelles forces se meuvent les mondes, il ne les soumettra
pas à une loi unique d’impulsion ou d’attraction : mais il
verra leurs orbites tracées par des moteurs opposés ; il

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multipliera les soleils et les êtres animés, et l’analogie lui fera
faire avec Lambert quelques pas dans l’infini.
S’il redescend sur le globe où le fixa la nécessité, il ne
le fera pas naître d’hier, et s’animer un jour pour finir
bientôt ; il n’expliquera pas sa durée d’après les calculs

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aveugles d’une horde particulière ; il n’asservira pas sa
destinée à des vues circonscrites et moins encore celles
de l’univers entier aux besoins de quelques animalcules
qui se tourmentent et s’éteignent sur sa surface bornée
mais il aimera l’hypothèse qui le fait commencer comme

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un corps individuel au milieu de la durée des êtres ; se

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consolider, s’animer, | fleurir, se refroidir après une vaste
durée ; et enfin mort, inanimé, se livrer aux forces étrangères
pour être dissous par elles, et servir à la formation
des mondes nouveaux.

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Dans les choses humaines ses doutes deviendront des
probabilités, quelquefois des certitudes. Dans un espace
si étroit, dans une durée si courte, la raison peut espérer
de tout voir ; et le flambeau philosophique pourra démasquer
un jour tous les fantômes de la partialité. Là, dans

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les opinions anciennes, l’on trouve nos dogmes nouveaux ;