Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/69

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avoir besoin de cette impulsion nouvelle pour rendre
quelque sentiment à sa vie stérile, mais les cœurs profondément
sensibles souffrent trop de cette agitation

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immodérée ; cette nature si puissante les fatigue et les dévore ;
ils reposent plus heureusement sous les ombres
automnales.
Et toi aussi, infortuné, que le sort a poursuivi, que les
hommes ont opprimé ; toi aussi tu te refuses à ces saisons

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qui n’inspirent qu’espérance, joie et bonheur, car tous ces
prestiges sont loin de ton cœur ; toi aussi, triste victime
des misères humaines, tu préfères l’arbre qui jaunit dans
les vergers, les champs dont les travaux ont fini, et la
feuille abandonnée sur le sol des forêts tu marques à tes

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douleurs un cours annuel, et voyant cesser la végétation,
comme si la nature s’arrêtoit toute entière tu espères à
toutes choses un terme désiré.

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Et toi disciple de la vérité, tranquille solitaire, qui aimes
et plains l’humanité souffrante ; homme éclairé, vertueux

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et aimant ; mais détrompé par la sagesse ou le malheur,
quelle est des modifications annuelles celle que tu chéris
davantage ? L’automne n’a-t-elle pas surtout entretenu tes
méditations, inspiré tes pensées, et ramené ton cœur ?

[JM 1]


    elle est comme le repos du soir aux bornes de notre vie livrée à la mort. * Infortunés que le sort poursuit, ou que l’homme opprime, vous vous refusez aux saisons qui n’inspireroient que l’espérance : les prestiges sont loin de vous, et vous n’aimez pas ce qui rappelle le besoin de la joie. Tristes victimes des misères que notre industrie s’attache à dissimuler, vous ne chercherez point cette nature puissante qui nous avertit de nos destinées primitives vous aimerez l’arbre – 278. fini, la feuille – 279-80. forêts. Vous marquez à vos douleurs – 281. s’arrêtoit, vous espérez à – 282. terme dès longtemps désiré.

  1. A. – 284. souffrante, toi à qui on insulte par un nom qui fait ta gloire, vrai Philosophe, homme – 285-6. aimant, malheureux parce que tu es sensible, plus malheureux parce que tu es détrompé, dis-moi, car je suis digne de t’entendre, comme toi j’aime la vérité et les hommes, dis moi quelle –