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- impossibles des mœurs exactes, et des institutions
- heureuses.
- Il semble que l’espèce humaine fatiguée de misères et
- plus fatiguée de regrets, se soit livrée au dépit contre sa
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- destinée. Parce qu’elle s’est sentie en proie | à la ruine,
- elle s’est acharnée sur la mort ; et son orgueil détourné
- de ses voies s’attache à braver ce qu’il n’a pu surmonter.
- En tout cela propose-t-on quelque chose dont l’ordre
- établi en aucun siècle puisse être troublé, dont le Prince
- puisse être mécontent ? Nullement. L’écrivain a-t-il trois
- cent mille hommes ? a-t-il dit : Faites-moi faire ce que
- je veux, je vous ferai faire ce que vous aimez. Il n’en
- sait pas tant. Son art se borne à discerner ce qu’il faudroit,
- et non ce qu’il faut. Sa vue courte, mais scrupuleuse,
- ne le mène pas à dire : Que cela soit ainsi ! mais :
- Cela seroit bon [1]
- Pour moi je ne pense pas que le plus spécieux des |
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- systèmes, ou que l’amour des choses les plus belles
- doive fermer les yeux à l’évidence, et porter à con-
- ↑
- Parce que tous les fabricans de papier écrit ont parlé de politique,
- on blâme maintenant tons les écrivains qui en ont parle dans le dernier
- siècle. C’est un autre extrême aussi vicieux. (Les erreurs ne nous sont
- que trop naturelles à tous ; mais on est toujours choqué de celles dont
- l’intention paroît très-difficile à interpréter favorablement.) Si l’on
- n’eût jamais fait que des livres d’agrément, où en seroit l’espèce
- humaine ? Quelle plus grande absurdité que de vouloir que les
- hommes ne se soucient en rien des plus grands intérêts des hommes
- en société ! Cependant il pourroit être funeste que les particuliers se
- missent à juger, à blâmer l’administration : l’autorité en seroit ébranlée ;
- et sans autorité il ne peut y avoir d’ordre ; sans ordre il n’y a point
- de société. Il est d’ailleurs de la nature d’un livre où des objets sérieux
- sont traités, qu’il s’adresse avec impartialité aux différens peuples et
- aux différens âges. La prudence et l’utilité peuvent donc se concilier
- facilement. Sous tout gou|vernement réglé, c’est le domaine de l’avenir [260]
- qui appartient aux publicistes ; et en général ces sortes d’écrits sont
- moins destinés à faire qu’à préparer. Ce qui est établi devient étranger
- aux suppositions. Sans faire de portraits, un artiste pourrait dessiner de
- belles têtes.