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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/108

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Des occupations commandées, ou les dispositions
heureuses du tempérament peuvent encore, même parmi
nous, protéger beaucoup d’hommes contre une partie des

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maux factices.
Mais vous, heureux de l’ordre social, qu’une fortune
destructive consume de ses funestes faveurs ; vous, privilégiés
par notre étonnante inégalité ; victimes du hasard séducteur
de votre naissance, ou des fruits perfides de vos coupables

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facultés ; vous qui pensez et qui savez, qui possédez,
commandez ; vous tous sur qui pèse et s’accumule le produit

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vainement admiré de cent siècles de délire, et toute | cette
laborieuse erreur de la terre savante ; vous, exempts de
travail, de privations et d’ignorance, à jamais séparés d’un

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facile bonheur [S 1] ; ridicules et misérables divinités d’œuvre
humaine, vous ne pourrez que dans la philosophie seule
régénérer votre être et rajeunir votre vie épuisée ; vous
ne pourrez que dans son calme factice, reposer à l’abri
des orages ce cœur foible et altérable que sa nature n’avoit

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point préparé pour la tourmente des cités.


    vivoit et ne souffroit pas ou souffroit très-peu. Il n’étoit assujetti
    qu’aux maux inévitables à sa nature ; et ces instans de douleur
    rapide, jamais prévus et aussitôt oubliés, pouvoient à peine
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    altérer sa vie.

  1. Dans l’usage d’une grande fortune, l’on possède tout ce que
    l’on desire, excepté les desirs eux-mêmes : ainsi, environné d’une
    grande puissance extérieure, l’on est foible et misérable au-dedans ;

    *L’homme – Note 4, l. 1-2. sensation ; il ne – ou il – 3-5. instans, qui n’étoient point prolongés par la réflexion, altèroient à peine sa vie. – 82. *Des – ou des – 83. de tempérament – encore, parmi – 86-8. social, vous privilégiés par les excès de notre inégalité, – 88-9. hasard de – 89-90. fruits de vos facultés trompeuses vous qui – 90-1. possédez, qui commandez – 92-3. siècles de peines secrètes, et cette laborieuse – 93-5. exempts de privations et d’ignorance, tristes divinités – 98-100. que dans ce calme factice garantir un cœur foible et altérable contre la tourmente du mouvement sans désir. *Note 5, l. 1-3. on possède tout ce qu’on imaginoit, excepté les désirs ; au milieu d’une grande puissance apparente,