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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/144

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vraiment durable ; l’imposture dut toujours craindre d’être
refutée ; car voici à peu près ce qu’elle put dire.
Peuples que la nature déprave et que la raison égare,
cessez d’écouter des penchans que l’Éternel vous donna

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pour vous séduire, et de suivre les desirs que vous suggère
d’accord avec lui, et pourtant contre lui, l’ennemi toujours
subsistant du maître absolu de toutes choses. Revenez
de cette confiance qu’entretiennent tous ces amis de
la sagesse qui vous perdent, et voyez l’abîme que la bonté

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suprême tient toujours ouvert sous vos pas afin de

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vous | rendre meilleurs. Entendez la foudre qui gronde pour
vous pénétrer d’espérance et d’amour. Hommes de chair,
avez-vous pu sans crime écouter les besoins de vos sens ?
ne sauriez-vous comprendre que le plaisir est un piège,

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et que les passions auxquelles votre créateur vous a soumis
sont autant d’ennemis secrets qui travaillent à votre bien
pourvu que vous les combattiez sans cesse ? Que seroit
la grandeur divine sans les efforts des animalcules qui la
servent ? Vos victoires cachées font la gloire de l’Être-

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Suprême. Insensés qui vous reposez sur l’idée de sa bonté
infinie ; s’il est le Dieu indulgent, n’est-il pas surtout le
Dieu juste qui vous punira de n’avoir pas suivi les vertus,
fruits des grâces que vous n’aurez pas obtenu de lui. Il est
le Dieu puissant et le Dieu caché, tous vos momens sont

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à lui, vos pensées les plus involontaires sont soumises
aux lois dont nous sommes nécessairement les interprètes
sacrés. Il est encore le Dieu jaloux qui ne souffrira jamais
que vous vous éloigniez des sentiers que nous tracerons :
il est surtout le Dieu terrible, le Dieu vengeur, le Dieu

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exterminateur ; et ce qui doit redoubler vos précautions,
votre zèle, votre amour, il est souvent le Dieu tentateur.

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De sa grandeur infinie vous | concluez que l’homme ne
sauroit l’offenser, ou du moins ne peut l’irriter. Quelle