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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/146

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la seule vraie. Elle est encore la plus consolante ; elle
mène au bonheur par les austérités et fait oublier toutes
les misères de la vie dans l’espérance céleste que sur mille
réprouvés il pourra y avoir un élu. Assurément il est
essentiel au genre humain que nos dogmes deviennent

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universels. Hâtons-nous de réformer et de combattre. Le
Dieu jaloux sera le Dieu des armées qui nous soumettront
les peuples. Abjurons ces lois profanes de liberté et

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d’équité. | La volonté divine est antérieure aux principes
humains. Vous mourrez pour nous, avantage inestimable

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qui vous donnera quelque part une vie bien meilleure et
bien plus durable. Ne craignez point de massacrer vos
frères au nom du Dieu qui vous ordonne de les aimer ; il
n’y a point là de contradiction, hommes de peu de foi.
C’est par amour que nous les tuons : nous en égorgerons

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cent mille ; mais nous circoncirons les autres. D’ailleurs
il y a une différence si prodigieuse entre des infidèles et
des vrais croyans, qu’il n’est pas bien prouvé que ceux-là
soient aussi des hommes.
Ainsi parla l’imposture appuyée sur le fanatisme, insultant

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à la raison pour se soustraire à l’examen, divinisant
l’absurdité par l’audace et semant les haines pour obtenir
l’empire.
L’homme devenu trop libre [S 1] par l’extension de ses
facultés, abusoit de ses desirs et de ses moyens. On

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vit qu’il falloit un but et des limites ; on parla de devoirs,
de bonheur. Mais, en marchant où le devoir n’étoit point,


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  1. Je veux dire libre d’aspirer à trop de choses seulement
    possibles, libre de choisir entre des modifications trop diverses
    de sa détermination primitive.
  1. C, XXe Rêv., p. 131-132 = l. 423-446. – 423. par l’étendue – 424. abusoit sans cesse de – 425. but commun et des limites fixes ; – 426-35. de prospérité ; mais ces devoirs furent imaginaires, et