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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/148

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folies orgueilleuses. Cependant l’Indien partage encore les
passions et l’activité des enfans de la terre ; le Quiétiste
chinois est encore loin du principe aërien : sur ce globe
sublunaire l’homme dégradé n’est après tout qu’un dieu
fort imparfait.

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Vanter les bienfaits de l’Éternel et mépriser ses bienfaits ;
bénir sa bonté, l’adorer dans ses œuvres et affirmer
que l’homme s’élève à lui en dédaignant les biens qu’il
lui donna, l’on ne doit point voir en cela d’inconséquence,
l’erreur n’est que ce qui peut humilier l’homme ; tout ce

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qui l’élève est vrai, parce qu’il aime à s’élever.
Il y a moins loin que l’on ne pense de l’impassibilité
stoïque à l’abnégation de l’insensé sous le froc, à la
démence du faquir qui mérite la béatitude du vingtième
ciel, en fixant la lumière bleue, ou même au jaloux

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honneur | de la veuve indienne qui, pour prouver qu’elle
vivoit préférée à ses compagnes, sollicite sa propre mort ;
et perd tout ce qui est, pour obtenir une estime vaine là
elle ne sera plus.
Selon le stoïcien, l’homme sans passions est le chef-

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d’œuvre de la nature : rien n’est plus contradictoire.
Supprimez les passions, il n’y a plus d’hommes, plus de
morale ; les passions peuvent seules la former ; l’équilibre
des passions modérées peut seul la maintenir. Les éteindre
est le précepte du fanatique : les suivre est la loi de

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l’homme isolé ; les réprimer sans les anéantir, les
soumettre à une raison plus sentie que disputante, plus douce
que sévère, voilà sans doute le devoir de l’homme en
société.


    avoir stérilisé les cœurs. Le fruit trop mûr tombe et disparoît ;
    mais c’est quand la sève est épuisée, quand la végétation est
    refroidie. L’arbre qui portoit des fruits dangereux n’en produira
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    pas de meilleurs quand ceux-ci auront passé, seulement il n’en
    donnera plus.