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Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 1.djvu/84

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Ainsi celui qui s’abandonne au plaisir, se livre au

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dégoût d’une vie inutile et ennuyée ; ainsi cette classe que

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l’on envie, à qui tout | est sacrifié, et pour laquelle les
autres sont vouées aux misères, est elle-même la plus
nécessairement misérable ; ainsi….. [S 1].
Nos affections, résultat nécessaire de tout ce qui est, de

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tout ce qui fut en nous et hors de nous, sont déterminées
par cent causes indépendantes de notre volonté ou qui
même l’asservissent. Comment donc espérerons-nous la
félicité dans cet état mobile et précaire où se perdent nos
jours ? Il n’est point de félicité sans permanence. Le bien-

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être d’un moment ne fait que montrer le bonheur ;
l’habitude de sa durée, source de confiance pour sa durée
future, constitue seule la félicité en mettant l’ame dans cette
situation qui lui fait aimer sa destinée et se complaire
dans son existence. Si même il étoit possible de goûter

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sans interruption des plaisirs impétueux et toujours différens,
cette succession de jouissances incertaines ne donneroit
pas la félicité. Le cœur seroit trop agité pour jouir
profondément, trop actif pour avoir un sentiment parfait :

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d’ailleurs, | desirant et craignant toujours, il seroit toujours

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inquiet et fatigué. Dans la mobilité de chacun de ses
plaisirs, il verroit la mobilité de son bonheur ; et perdant
sans cesse quelque chose, il craindroit sans cesse de tout
  1. Quelques-uns pressentiront les conséquences directes,
    quoiqu’éloignées, de la nature des sensations humaines ; mais avant
    d’en déduire les véritables lois de l’ordre social, que de choses
    me restent à dire encore pour espérer d’être entendu.

    *Nos affections, résultat de ce qui est, de ce qui – 106. par des causes – 106-7. volonté et qui souvent l’asservissent. – 110-2. ne feroit qu’indiquer le bonheur, mais si nous sommes habitués à le voir se prolonger, c’est une source de confiance : cette durée future que nous attendons, commence présentement notre félicité, en mettant – 114. *Si – d’éprouver – 117-8. jouir réellement, et trop – 118-9. sentiment qui soit parfait et approfondi en quelque sorte. Désirant