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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Dans le coupé de Boulanger étaient les prêtres ; dans un landau fermé, ensuite, les gens de maison avec l’excédent des couronnes ; en un autre landau, également fermé, le général avec son neveu et deux amis. Puis quelques voitures encore, faisant partie du service funèbre, et des fiacres.

Parmi le hourvari de fanfares rencontrées, on a descendu la rampe d’Ixelles, suivi la chaussée des Éperons d’Or, pris la route de Boondael. En pleins champs, notre défilé passait — des champs désolés, pelés, sans la gaieté d’un arbre, quelque chose comme la zone militaire à Paris.

Et ce trot, ce trot abominable, sacrilège, me fronçait les nerfs, à la pensée du frêle corps que la maladie avait fait presque diaphane et qui devait heurter, j’en étais sûre, contre les dures parois !

On est arrivé. La bière a été glissée dans une sorte de coffre-fort en fer, capitonné de ciment, qui représente ici les caveaux provisoires. Les palmes, les bouquets ont été entassés devant la porte, et le cortège s’est disséminé. On soutenait le général, à bout de forces.

Une brise, sous le clair soleil, faisait flotter, en haut du monceau de fleurs, un léger ruban tricolore…

P. P. C.

Je suis revenue au domicile mortuaire.

— Tenez, regardez-la ! m’a dit une intime.

J’ai pris le portrait qu’elle me tendait et l’ai contemplé, longuement. Un visage ovale, d’expression douce, des cheveux dorés, une moue de bonté au coin des