Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
NOTES D’UNE FRONDEUSE

l’hôtel ; le dernier, qui prie les visiteurs de ne point toucher aux objets exposés.

Ce sont les meubles, petits et gros, que l’on détaille aujourd’hui. Les plus légers, l’un après l’autre, sont hissés sur l’estrade, adjugés, passés à leur nouveau maître. Celui-ci, volontiers, les essaie tout de suite ; repousse la chaise publique sur laquelle il était campé et s’installe, en propriétaire, sur le siège acquis. Il est des poufs bien vexés, des fauteuils bien humiliés — l’un, même, n’a pu se contenir : ses sangles ont éclaté d’indignation !

Le public est, cependant, d’une toute autre catégorie que celui d’hier. Peu de brocanteurs, moins de ménagères ; quelques jolis profils se détachent sur la masse noire, délicatement, et des élégances surgissent. Du mouchoir, tiré hors la poche, une bouffée de parfum s’exhale ; et des touffes de violettes expirent délicieusement sur la fourrure des manchons.

De l’assistance antérieure ne demeure que la partie intéressante : le bataillon sacré des fidèles, solide au poste ; le premier arrivé, le dernier parti. Tant qu’il restera un chiffon dans la maison, ils seront là ; et il faudra que les paternes agents de la police belge les refoulent dehors, doucement, pour qu’ils se résignent à définitivement sortir… « S’il vous plaît, va-t’en, monsieur, on va fermer la place. Faut pourtant être raisonnable, pour une fois ? »

La porte sera close ; on accrochera l’écriteau : À louer — et tout sera dit !

Le mobilier du salon (du salon de la rue Dumont-d’Urville qui vit tant de choses !) les trois fenêtres de satin ponceau relevé de velours frappé, les canapés,