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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Celle-ci a été adjugée 160 fr. à M. Harvey, le richissime possesseur des mines de nitrate ; celle-là, pour 120 fr., est demeurée à Zunc, mandataire de la Ligue. Elle a échappé, par hasard, à un examen approfondi de l’assistance — mais ce que quelques cœurs battaient à l’idée qu’on allait peut-être demander à la voir de plus près, là-bas, dans le coin des nababs !…

Ce coin-là s’est encore offert la boîte à revolver, 65 fr. ; un adorable paravent Louis XVI, 140 fr. ; un cabinet de bois japonais, garni de bronze estampé, 40 fr. : une vasque en émail cloisonné moderne, 310 fr. ; une médaille en bronze de Boulanger, 65 fr., — et les trois quarts de ce qu’on a vendu !

Une coquille en nacre sculptée, avec portrait du général, et signée Georges Boyer, a été payée 26 fr. ; une pendule genre Boule, 75 fr. ; deux candélabres à pendeloques de cristal, 140 fr. ; le lustre semblable, même prix ; quatre hauts fauteuils, 110 fr. pièce ; une colonne torse de noyer, 115 fr. ; deux cartels de bronze Louis XV, l’un 150, l’autre 160 fr. ; le petit lustre de cuivre, 52 fr. ; le grand, 390 fr.

Deux verres à boire, très simples, avec portrait gravé, ont atteint 36 et 40 fr.

J’ai acheté le « Vitrail aux œillets », et, quand tout a été fini, le marteau du commissaire-priseur, qu’on l’a prié de mettre aux enchères. Il ne resservira plus.

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Dans l’hôtel de la rue Montoyer, il ne reste rien que des fétus de paille ; sur la tombe d’Ixelles, les couronnes apportées il y a six mois pourrissent doucement. Cela semblerait la fin de tout.

Mais, d’entre les immortelles moisies, j’ai vu pointer une jeune pousse couleur d’espérance. Sera-t-elle chêne ou brin d’herbe, qui le sait ! L’enlever ?… À quoi bon ?