Page:Séverine - Notes d'une frondeuse, 1894.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
NOTES D’UNE FRONDEUSE

jours — les trois jours décisifs pendant lesquels des crieurs égosillés auraient, de par les carrefours, promis la forte somme :

À qui retrouverait Jules Ferry perdu !

Cependant, comme il faut éviter l’inutile cruauté, la femme du captif eût reçu un avis discret…

Le lendemain tout était prêt : les conjurés, les chevaux, moi, geôlière improvisée — et jusqu’à une daube mirifique qui achevait de « prendre » dans la terrine vernissée. J’ai toujours eu, culinairement, la méfiance de la campagne.

Alors quelqu’un dit :

— Il faudrait peut-être, tout de même, consulter le Chef.

Personnellement, je n’en avais pas, de chef ; et je me moquais un peu du leur, séduite par le seul côté romanesque et amusant de l’intrigue. Mais les autres se rendirent à l’argument.

Boulanger sortait de la commission de classement, quand Lafougère l’arrêta au passage. Tous deux firent ensemble quelques pas sur le boulevard Saint-Germain.

Comment n’eût-il pas approuvé, Catilina ? C’était l’atout qu’on lui mettait en main. Quel aspirant dictateur, quel émule de Louis-Napoléon, quel fauteur de coup d’État eût refusé semblable aubaine ?

Cependant, tandis que Lafougère parlait, le général l’envisageait avec un ébahissement scandalisé. Et, soudain, très rouge, les bras au ciel, tout pareil aux révolutionnaires du Cri du Peuple, il s’exclama :