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NOTES D’UNE FRONDEUSE

Ce regard-là, il est impossible de le préciser. Il s’estompe à volonté quand il plaît à la pensée de rester inconnue, comme ces flots limpides dont tout à coup le fond se trouble et s’ennuage, sous la fuite d’une fine anguille en robe d’acier.

Je les ai vus parfois vides, ces yeux, vides incommensurablement ; et donnant, avec leur nuance d’azur, cette sensation que ferait éprouver une lorgnette-jumelle braquée sur le ciel et reflétant l’infini de l’éther, sans le passage d’une ombre, sans le sillage d’une aile…

J’ai dit combien le rire était naïf et jeune — le sourire, lui, est autre. Il est injurieusement distrait envers les ennemis ; mélancolique vis-à-vis des partisans : douteur seulement, pour les familiers. Et, à mesure que les événements s’accomplissent, le scepticisme burine davantage sa ride de cruelle gaieté aux angles de cette bouche.

La voix, très douce et singulièrement enjôleuse, dans les causeries particulières, devient hautaine, et comme rocailleuse, dans les harangues, avec son dur accent breton. Le mot est net, le geste est bref.

Il n’imite ni Danton comme Gambetta, ni Joseph Prudhomme comme M. Floquet. Il est « lui », avec simplicité et avec rudesse. Cela enthousiasme la foule et exaspère la députaille.

Il est général ; on dit même qu’il jouit sous ce titre de quelque popularité. Moi, je ne vois ici que M. Boulanger, député.