Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 2.djvu/404

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point le plus joli homme du monde ? J’ai lu sa lettre, tout comme vous l’avez imaginé, c’est-à-dire en pâmant de rire : toute sa lettre est excellente, et ses chapitres. Mon Dieu ! que j’ai envie de le voir, de l’embrasser, de parler de vous avec lui ! Il est ravi de tout ce que vous faites, et en vérité il a raison : on ne peut assez vous admirer, je ne saurois faire les honneurs de vous ; et j’en suis touchée comme les autres, et j’en demeure d’accord avec mes bons amis, sans faire comme la présidente Jeannin : vous souvient-il de ce petit conte ? Enfin, ma fille, que vous manque-t-il ? vous le renviez sur M. de Pompone. Au milieu de mon rire, je me suis senti des serrements de cœur qui ne paroissoient point y devoir trouver leur place, et que je trouvois fort bien le moyen d’y mettre : tous chemins vont à Rome, c’est-à-dire tout me va droit au cœur. M. de Coulanges écrit tout cela bien plaisamment, et nous en avons ri, comme vous l’avez prévu, et assurément aux mêmes endroits. J’examinerai bien cet hiver avec lui tous les chapitres, et surtout celui de la coiffure ; il me paroît assez comme celui d’Aristote dans son chapitre des chapeaux[1].

Mais le chocolat, qu’en dirons-nous ? N’avez-vous point peur de vous brûler le sang ? Tous ces effets si miraculeux ne nous cacheront-ils point quelque embrasement ? Dans l’état où vous êtes, ma chère enfant, rassurez-moi ; car je crains ces mêmes effets. J’ai aimé le chocolat comme vous savez ; mais il me semble qu’il m’a brûlée, et, de plus, j’en ai bien entendu dire du mal ; mais vous dépeignez et vous dites si bien les merveilles qu’il fait en vous, que je ne sais plus que dire. Cet en-

  1. 2. Allusion à une plaisanterie de Molière, dans le Médecin malgré lui (acte II, scène III). Sganarelle cite, non Aristote, mais Hippocrate.