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1672

289. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le lendemain du jour que je reçus cette lettre (du 19 juin, voyez plus haut, p. 110), j’y fis cette réponse.

À Chaseu, ce 26e juin.

Ne diroit-on pas, comme vous en parlez, Madame, qu’il n’y a que les gens de guerre qui meurent ? Cependant la vérité est que la guerre ne fait que hâter la mort de quelques-uns qui auroient vécu davantage s’ils n’y étoient point allés. Pour moi, je me suis trouvé en plusieurs occasions assez périlleuses sans avoir seulement été blessé. Mon malheur a roulé sur d’autres choses ; et pour parler franchement, j’aime mieux vivre[1] moins heureux

    entièrement, dévoué à Condé. C’était un des beaux à la mode, et qui, pour parler le langage du temps, se faisait le mourant de toutes les beautés célèbres. Un jour, en 1649, nouveau capitaine des gardes, il s’avisa de se mettre en tête de supplanter Mazarin et de faire le galant auprès de la reine Anne, qui d’abord s’en moqua, puis le chassa en lui faisant affront. » Revenu à la cour, il commit d’autres imprudences, et fut disgracié une seconde fois, au mois d’août 1658, à cause des cabales qui eurent lieu pendant la maladie du Roi à Calais. Voyez les Mémoires de Bussy, tome II, p. 81. Il obtint la permission de servir comme volontaire en 1672, et fut blessé à mort par une sentinelle française qui n’entendit pas sa réponse au qui vive. Voyez la lettre de Pellisson du 19 juin 1672 (Lettres historiques, tome I, p. 160). — Voyez, en outre, sur Jarzé, Mme de Motteville, tomes II, p. 142,436 et suivantes ; III, p. 87 et suivantes ; une note de M. Chéruel à l’appendice du tome VI de Saint-Simon, p. 458-461 ; et Madame de Longueville, par M. Cousin, tome II, p. 303 et suivantes. Benserade, dans sa Lettre au comte d’Armagnac, tome I des Œuvres, p. 273, parle ainsi de Jarzé (Jarzay) :

    Jarzay, qui de la cour composa les délices,
    À qui les Dieux étoient autrefois si propices,
    Brilloit parmi des gens si pompeux et si beaux,
    Comme un grand chêne brille entre les arbrisseaux.

  1. Lettre 289. — 1. Bussy avait d’abord écrit avoir été. Il a lui-même biffé ces mots, pour les remplacer par vivre.