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rendus. Elle dira que j’étois bien malheureux ; et sachant, comme elle saura, la droiture du cœur du Roi, elle le plaindra de n’avoir pu me connoître, et de ne m’avoir vu que par les yeux de gens qui ne m’aimoient pas. Elle dira encore que j’étois sage de parler comme je fais, et que qui se plaint de ses disgrâces avec autant de discrétion, est une grande marque qu’il ne les mérite pas.

Mlles de Bussy savent assez l’italien en prose, mais non pas encore en vers.

à madame de sévigné.

Vous pensez peut-être vous moquer, Madame, quand vous me demandez si les oreilles ne m’ont point corné depuis que notre ami Corbinelli est avec vous. Il y a environ un mois que je crus avoir un rhumatisme dans la tête, tant elles me cornoient ; mais je vois bien que c’est dans le temps que vous parliez de moi tous deux.

Vous me faites grand plaisir de me louer ; j’aime extrêmement votre estime. Pour vos plaintes, je vous en rends grâce : je n’aime pas à faire pitié ; et puis il y a longtemps que les regrets des maux qu’on m’a faits sont passés ; je songe à m’en tirer sans impatience, et le grand fondement que je fais de mes espérances, c’est sur le soin que j’ai de vivre. Pourvu que je vive, je sortirai d’ici, et j’en sortirai agréablement. Cependant je suis mieux que les gens de la cour les mieux établis, en ce que j’espère, et que je ne crains rien. Je me divertis, je goûte la vie, j’ai l’esprit net, une raison assez droite, et je suis content de ce que j’ai :

J’en connois de plus misérables[1].

  1. 3. C’est le dernier vers du fameux sonnet de Job, de Benserade. Voyez ses Œuvres, 1697, tome I, p. 174.