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Il faut encore, dit-il, écrire ou parler bref, et ne pas dire plus de paroles que de choses, afin que nos pensées se voient tout d’un coup, et qu’elles ne soient point enveloppées dans un tas de paroles qui les offusquent :

Est brevltate opus, ut currat sententia, nec se
Impediat verbis lassas onerantibus aures.

De plus, il ne faut pas être ni toujours grave et sévère, ni toujours plaisant dans nos discours :

Et sermone opus est modo tristi, sæpe jocoso.

Il ne faut pas même ni toujours argumenter les preuves en main, comme un orateur, ni aussi n’être que dans les agréments de l’éloquence des poëtes, qui ne songent qu’à divertir et à plaire, et non pas à profiter :

Defendente vicem modo rhetoris atque poetæ.

De plus, il faut quelquefois n’être rien de tout cela, mais simplement un galant homme, qui parle sans trop d’ordre ni de règle, et qui ne laisse pas de charmer par sa négligence, qui ne pousse jamais trop avant tout son esprit, qui supprime souvent mille belles choses qui lui viennent en foule sur son sujet, parce qu’il ne veut point paroître bel esprit :

Interdum… parcentis viribus, atque
Extenuantis eas consulto
[1].


    du livre I d’Horace. Le second est inexactement cité ; il y a dans Horace :

    Auditoris ; et est quædam tamen hic quoque virtus.

    Dans le suivant, la leçon généralement adoptée est neu se, au lieu de nec se.

  1. 5. Bussy, dans sa copie, a laissé une place blanche après interdum, comme s’il n’avait pas pu lire dans la lettre de son ami le second mot, qui est urbani, et que Corbinelli a traduit par « galant homme. » Au vers suivant Bussy a écrit extenuatis pour extenuantis.