en tout cas, que Ninon l’eût jugé superflu : car elle disait que
madame de Grignan « avait tout le sel de la maison[1]. » Il est
vrai qu’elle ne songeait, en parlant ainsi, qu’à la hardiesse
de ses opinions philosophiques et peut-être à son humeur peu
bénigne. Si, de ce côté, l’assaisonnement piquant ne manquait
pas, l’indifférence du cœur pouvait être d’ailleurs chez mademoiselle de Sévigné une fadeur à corriger.
Il y a un charmant tableau des réunions de Fresnes, tracé, en 1667, par madame de Sévigné elle-même pour Pomponne, que son ambassade de Suède tenait alors éloigné. Elle y est assise entre M. d’Andilly, qui est « du côté de son cœur, » et madame de la Fayette à sa droite, près de madame de Guénégaud et de madame de Motteville. Les filles de madame de Guénégaud et mademoiselle de Sévigné « vont et viennent par le cabinet, comme de petits frelons[2]. » L’aînée de ces filles de madame du Plessis Guénégaud était mariée, depuis deux ans, à un homme qui avait été sur le point d’épouser mademoiselle de Sévigné. C’était le jeune duc de Caderousse, gentilhomme du Comtat, créé duc par le pape, riche, bien fait, de beaucoup d’esprit et d’un esprit orné[3], et, avec tout cela, assez vilain homme, débauché et joueur, dont madame de Sévigné et Bussy ont raconté dans leurs lettres un trait qui donne la plus triste idée de la délicatesse de son cœur. À propos de ce trait, madame de Sévigné dit que Caderousse « ne l’avait pas trompée[4]. » Il est donc probable que, sous ses brillants dehors, elle avait deviné son mauvais naturel, lorsque, avant 1665, il avait recherché en mariage mademoiselle de Sévigné[5] ; et sans doute elle avait engagé sa fille à rejeter ce prétendant. L’année suivante, un autre Provençal (mademoiselle de Sévigné semblait prédestinée à la Provence} se mit inutilement aussi sur les rangs. Il était fils du comte de Mérinville, lieutenant général de Provence. Quelques lignes de madame de Sévigné sur ce jeune Desmonstiers de Mérinville, indiquent que le mariage fut près de se