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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


France épouse non pas le plus joli garçon, mais un des plus honnêtes hommes du royaume. » Le comte de Brancas avait arrangé le mariage[1].

François Adhémar, comte de Grignan, était l’aîné d’une très-ancienne et très-illustre famille de Provence. Il descendait des Castellane, qui, s’étant alliés avec les Adhémar de Monteil, avaient hérité d’eux le comté de Grignan en 1563, et en avaient pris les armes et le nom[2]. Les Adhémar remontaient très-haut, bien plus haut que les croisades, où leur nom avait jeté un grand éclat, immortalisé par l’histoire et par les vers du Tasse. « Je vois un Adhémar, écrivait madame de Sévigné à son gendre, qui étoit un grandissime seigneur, il y a six cents ans ; sa mort mit en deuil une armée de trois cent mille hommes, et fit pleurer tous les princes chrétiens. Je vois aussi un Castellane ; mais celui-ci n’est pas si ancien, il est moderne : il n’y a que cinq cent vingt ans qu’il faisoit aussi une très-grande figure[3]. » Le père du comte de Grignan, Louis Gaucher de Castellane Adhémar, avait épousé en 1628 Marguerite d’Ornano, fille aînée d’Alphonse d’Ornano, seigneur de Mazargues. On peut voir aussi, dans les lettres de madame de Sévigné[4], l’alliance de cette maison avec celle de Nicolas de Montfort, comte de Campo Basso et de Termoli. Deux oncles de M. de Grignan étaient des prélats considérables, l’un archevêque d’Arles, l’autre évêque d’Uzès. Deux de ses frères étaient dans l’Église, l’un coadjuteur de l’archevêque d’Arles, l’autre abbé, destiné à devenir évêque d’Évreux, puis de Carcassonne ; deux autres portaient les armes : l’un était capitaine d’une compagnie de chevau-légers, l’autre chevalier de Malte.

On ne sait pas précisément la date de la naissance du comte de Grignan ; mais l’âge qu’on lui supposait généralement quand il mourut, fait présumer qu’il était né vers 1629, et devait avoir près de quarante ans lorsqu’il épousa mademoiselle de

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 25 juin 1679 ; et lettre de Brancas à madame de Grignan, 2 septembre 1676.
  2. M. Aubenas, à la fin de son Histoire de madame de Sévigné, a donné une Notice historique détaillée de la maison de Grignan.
  3. Lettre du 6 novembre 1675.
  4. Lettres du 16 septembre 1676 et du 25 septembre 1689.