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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


pagnie des gendarmes-Dauphin, où madame de Sévigné lui avait acheté la charge de guidon, et que commandait, en qualité de capitaine sous-lieutenant, son cousin le marquis de la Trousse. Mais il ne laissa pas longtemps sa mère séparée à la fois de ses deux enfants. Ayant pu quitter Nancy, il était, le 23 février 1671, de retour auprès d’elle[1], et ne la quitta plus que le 4 juillet de la même année. Pendant ce temps où sa mère avait besoin de consolations, il fut toujours très-bon fils, mais un peu mauvais sujet. Il était trop faible pour résister aux entraînements de l’âge ; et puis surtout c’était le bel air ; et peut-être cédait-il moins à des passions vives, qui n’étaient pas dans sa nature, qu’il ne croyait, par ces diableries, s’acquitter de ses obligations de jeune gentilhomme. Il s’adressa aux beautés les plus célèbres, à Ninon, dont l’étoile semblait être de débaucher, l’un après l’autre, tous ces Sévigné, et dans le même temps à la Champmeslé. Ninon, suivant son habitude, cherchait à pervertir ses sentiments religieux ; elle raillait sa simplicité de colombe, et trouvait qu’il ressemblait trop à sa mère. Elle ne réussissait pas dans son apostolat d’impiété, malgré le caractère faible de Sévigné. Il avait déjà reçu dans son âme les principes de religion qui s’y affermirent et s’y développèrent plus tard, et le prédestinaient à finir ses jours dans la dévotion. Cette résistance à ses leçons impatientait la courtisane philosophe ; elle se lassait aussi de la froideur de Sévigné. Elle le nommait une vraie citrouille fricassée dans de la neige. Il eut bientôt son congé. La petite comédienne n’était pas plus contente de lui. Le pauvre garçon venait se plaindre à sa mère « qu’elle lui eût donné de sa glace. » Il se rendait du moins utile chez la Champmeslé en payant les soupers. Il vivait là, hélas ! dans une mauvaise société de poëtes. Les faut-il nommer ? c’étaient Racine et Boileau. Nous ignorons si la Fontaine était alors de la partie. Madame de Sévigné ne le nomme pas dans ses plaintes. Mais elle était moins disposée à la sévérité pour lui.

Elle écoutait les confidences, beaucoup trop détaillées quelquefois, de son fils. Les pauvres mères (qui oserait les en blâmer ?) acceptent souvent ce rôle délicat de confidentes. Moins

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 25 février 1671.