Aller au contenu

Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
NOTICE BIOGRAPHIQUE


et jamais ailleurs que chez ses amis particuliers. La gentillesse, la bonne mais naturelle plaisanterie, le ton de la bonne compagnie, le savoir vivre et se tenir à sa place sans se laisser gâter, le tour aisé, les chansons à tous moments qui jamais n’intéressèrent personne[1], et que chacun croyoit avoir faites, les charmes de la table sans la moindre ivrognerie ni aucune autre débauche, l’enjouement des parties dont il faisoit tout le plaisir, l’agrément des voyages, surtout la sûreté du commerce, et la bonté d’une âme incapable de mal, mais qui n’aimoit guère aussi que pour son plaisir, le firent rechercher toute sa vie et lui donnèrent plus de considération qu’il n’en devoit attendre de sa futilité. Il alla plus d’une fois en Bretagne, même à Rome, avec le duc de Chaulnes[2], et fit d’autres voyages avec ses amis ; jamais ne fit mal ni ne fit mal à personne ; et fut avec estime et amitié l’amusement et les délices de l’élite de son temps, jusqu’à quatre-vingt-deux ans[3], dans une santé parfaite de tête et de corps, qu’il mourut assez promptement[4]. »

Parmi les lettres que l’on a de Coulanges quelques-unes sont d’un tour vif et facile, agréables surtout par cette bonne humeur qui ne l’abandonnait jamais. Madame de Sévigné les aimait beaucoup, et quelles que fussent les préventions de son amitié, si leur gaieté n’eût été souvent assaisonnée de beaucoup d’esprit de bon aloi, elles n”auraient pu autant lui plaire. « C’est un tour si particulier, disait-elle, pour faire valoir les choses les plus ordinaires, que personne ne sauroit lui disputer cet agréments[5]. » Et ailleurs ; « Ce petit Coulanges vaut trop d’argent, je garde toutes ses lettres[6]. » Une preuve au moins aussi forte de l’opinion qu’elle avait de la finesse de son esprit, est le plaisir qu’elle prenait à lui écrire des lettres qui sont au premier rang entre ses chefs-d’œuvre les plus admirés,

  1. C’est-à-dire : ne touchèrent jamais à personne.
  2. Il a écrit sur ce voyage de Rome des Mémoires, où il raconte les conclaves d’Alexandre VIII et d’Innocent XII. Ils ont été publiés par M. Monmerqué.
  3. Il mourut en effet, à l’âge de quatre-vingt-deux ans et cinq mois, le 30 janvier 1716. Il était né le 23 août 1633.
  4. Mémoires de Saint-Simon, tome XIII, p. 332.
  5. Lettre à madame de Grignan, 7 mars 1685.
  6. Lettre à madame de Grignan, 29 janvier 1685.