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NOTICE BIOGRAPHIQUE


cédé « trop plaisant. » Il prenait lui-même autant de liberté qu’il en laissait à madame de Coulanges. Toujours occupé de ses plaisirs, hébergé par les grands, que son esprit, son entrain et ses chansons amusaient, et qui lui donnaient de bons repas, il ne demeurait presque jamais chez lui. Tantôt chez M. de Chaulnes, tantôt chez le cardinal de Bouillon, ou chez madame de Louvois, qu’il nommait sa seconde femme, il disait, en parlant de leurs maisons : mes maisons de Chaulnes, de Saint-Martin, de Choisy ; et il ajoutait : « La maison où je suis le moins est celle de madame de Coulanges, qui a bien son mérite aussi. » Il écrivait de Choisy à madame de Simiane : « Savez-vous qui je ne vois plus ? C’est votre pauvre amie, madame de Coulanges. En cinq semaines qu’il y a que je suis ici, je ne l’ai vue qu’une seule fois qu’elle y est venue. Il court quelque bruit qu’elle y pourra venir aujourd’hui, et je le souhaite fort ; car, après tout, je l’estime et je l’aime, comme elle le mérite. » Madame de Coulanges, de son côté, l’aimait comme un vieil enfant. Un jour qu’elle se crut près de mourir (c’était en 1676), elle écrivit à son père pour lui recommander son mari, « par conscience et par justice, reconnoissant de l’avoir ruiné[1]. » On voit que le ménage n’était pas mauvais ; mais l’amitié, qui y régnait, ne se montrait que dans les grandes occasions et n’était pas assujettissante.

Madame de Coulanges avait de puissantes amitiés, quoiqu’elle n’en ait jamais profité pour tirer son mari de la véritable pauvreté où il était. Madame de Maintenon, madame de Richelieu, madame de Rochefort l’aimaient particulièrement. Saint-Simon dit qu’elle ne mettait pas les pieds à la cour. Il parlait sans doute des temps qu’il avait vus ; car, si elle n’était pas d’un rang qui lui permît d’y paraître souvent, elle y allait cependant ; et il ne semble pas que cela pût faire difficulté pour une cousine germaine de Louvois. Elle y était fort bien reçue, « fort caressée, fort gâtée[2], » admise aux heures particulières, introduite dans les cabinets. Au défaut d’un grand nom ou d’une

  1. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 7 octobre 1676.
  2. Lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, 24 janvier 1680.