et le droit de marque sur la vaisselle d’étain, dont on avait consenti à affranchir la province, en 1674, furent rétablis. Mais
ce qui exaspéra le plus les paysans bretons, ce fut l’impôt sur
une denrée dont ils ne pouvaient se passer, sur le tabac. Au
mois d’avril 1675, les bureaux de papier timbré et de tabac furent saccagés à Rennes. La tranquillité y fut d’abord rétablie,
sans qu’il fût nécessaire de recourir aux moyens de rigueur que
prescrivait Colbert. Cependant les paysans, dans la Basse-Bretagne, se soulevaient. Ils poursuivaient avec fureur les agents du
fisc. Le duc de Chaulnes avait donné l’ordre à la noblesse de
s’armer. Le peuple des campagnes, depuis longtemps opprimé
par cette noblesse, tourna contre elle sa vengeance. Il pilla et
brûla les châteaux ; et des gentilshommes furent pendus, l’épée
au côté, au haut des clochers. Bientôt la sédition recommença
à Rennes. Le duc de Chaulnes voulut par sa présence dissiper
les attroupements ; il fut repoussé chez lui à coups de pierres[1].
Les nouvelles de ces désordres alarmaient madame de Grignan,
qui ne croyait pas prudent que sa mère choisît ce moment pour
le voyage qu’elle voulait faire dans ce pays bouleversé. Madame
de Sévigné pensait encore pouvoir partir sans danger. La
Haute-Bretagne, où elle devait se rendre, lui semblait sage, malgré
les troubles de Rennes. Elle voulait « aller voir ces coquins
jetaient des pierres dans le jardin du patron. » Quant aux Bas-Bretons, ils étaient bien loin des Rochers, et elle s’imaginait qu’il
suffirait d’en pendre quelques-uns pour les faire rentrer dans
l’ordre. Avouons-le, ce qu’elle entendait raconter des excès de
leur jacquerie ne la disposait pas à en parler avec toute la philanthropie que nous mettons aujourd’hui, avec raison, dans
nos livres, mais qui devient, à tort, beaucoup moins vive, s’il
est permis de le dire, quand la colère du peuple nous paraît
inquiétante pour nous-mêmes. « On dit, écrivait-elle, qu’il
y a cinq ou six cents bonnets bleus en Basse-Bretagne qui
auroient bon besoin d’être pendus pour leur apprendre à
parler[2]. »
Mais peu de jours après elle apprenait que le danger s’était