telles conditions[1]. » Il faut surtout entendre ceux qui sont
autour d’elle, pour lui savoir tout le gré qu’elle mérite de
n’avoir eu ni la dureté des uns ni la bassesse des autres. La
reine de Provence, qui était naturellement du parti des gouverneurs, trouvait qu’à leur place elle en ferait bien autant.
« Vous jugez superficiellement, lui répondait sa mère, de celui
qui gouverne ici, quand vous croyez que vous feriez de même ;
non, vous ne feriez pas comme il a fait, et le service du roi ne
le voudroit pas[2]. » Elle n’était pas plus d’accord avec Bussy,
qui, s’étant fait un prudent système, dans sa disgrâce, de ne
parler du roi dans ses lettres qu’avec la lâche idolâtrie d’un
courtisan, lui écrivait : « Je vous plains fort pour les maux
que la guerre fait à vos sujets ; mais je ne plains guère les
Bretons en général, qui sont assez fous pour s’attirer mal à
propos l’indignation d’un si bon maîtres[3]. » Nous ne croyons
pas que le baron de Sévigné parlât de même. Il n’y a pas,
il est vrai, beaucoup de traces de ses opinions sur ces troubles,
au milieu desquels il arriva aux Rochers, en décembre 1675.
Toutefois, de même que, sur les questions agitées à Port-Royal, il était, comme le dit sa mère, « dans les mêmes
erreurs » qu’elle, nous pensons qu’il partageait aussi, dans
les affaires de Bretagne, ses opinions séditieuses, et qu’il était
de la même faction. Quelques mots d’une de ses lettres sur
ces soldats, « qui ne font que tuer et voler, » le donnent à
croire. Et comment le cœur d’un honnête homme n’eût-il pas
été soulevé, si les atrocités commises par cette soldatesque
étaient telles en effet que le dit madame de Sévigné, et si elle
n’a pas accueilli trop facilement un conte populaire, lorsqu’elle a écrit : « Ils mirent l’autre jour un petit enfant à la
broche ; mais d’autres désordres point de nouvelles[4]. » Fût-ce
un conte d’ailleurs, quelle ne devait pas être la terreur qui
l’imaginait !
Les états s’étaient ouverts à Dinan le 9 novembre 1675. Madame de Sévigné était informée de tout ce qui s’y passait par MM. de Lavardin, d’Harouys, et Boucherat, commissaire du roi aux états. Quand elle apprit que le don de la province était