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NOTICE BIOGRAPHIQUE


plus que la réunion ne fût très-prochaine, M. de Grignan étant sur le point de partir pour l’assemblée. Cependant les tergiversations recommencèrent. Madame de Grignan écrivait qu’on trouverait ridicule qu’elle se séparât de son mari. Madame de Sévigné la sommait de tenir sa promesse. « Je ne suis pas seule à trouver, lui disait-elle, que vous marchandez beaucoup à me faire plaisir. » Sévigné appuyait les réclamations de sa mère. Il représentait à sa sœur que sa présence était nécessaire au complet rétablissement de la santé de madame de Sévigné. « Ne faites point l’impertinente, lui disait-il ; on dit que vous l’êtes beaucoup sur ce chapitre... on est sûr de votre cœur, mais ce n’est pas toujours assez, il faut des signifiances. » Le débat entre la mère et la fille commençait à s’aigrir, comme il arrivait trop souvent, l’une se plaignant d’exigences excessives, l’autre d’une blessante indifférence. Madame de Sévigné écrivait à madame de Grignan « de suivre librement son cœur, et même sa raison. » — « Les reproches, ajoutait-elle, me sont sensibles ; il faut qu’ils me le soient beaucoup, puisque j’y ferai céder, s’il le faut, mes plus chers intérêts. » L’espoir de voir madame de Grignan en automne fut décidément trompé ; elle accompagna son mari à Lambesc ; et les circonstances étaient devenues telles que madame de Sévigné ne trouva plus à se plaindre. Il lui fallut avouer que, dans une occasion aussi considérable, sa fille n’avait fait que son devoir. Il était difficile, en effet, d’abandonner M. de Grignan, au milieu de graves embarras, dont la présence de sa femme pouvait non-seulement adoucir les soucis, mais qu’elle pouvait même l’aider à vaincre ; car par ses conseils, par ses démarches, par l’influence qu’elle exerçait sur quelques personnes, par la magnificence qu’elle déployait, sinon par son amabilité et son esprit conciliant, elle avait sa grande part dans le gouvernement de la Provence. La tâche de M. de Grignan n’avait jamais été plus difficile que dans l’assemblée de cette année. Nous avons vu la peine qu’il avait eue précédemment pour obtenir des états quatre cent cinquante mille livres ; il s’agissait, en 1676, de doubler la somme : triste conséquence d’une guerre ruineuse et de toutes les prodigalités d’un règne fastueux qui mettant Colbert à bout de ressources, le réduisait à pressurer les peuples et à accabler les provinces. Madame de Sévigné était effrayée de la rude commission donnée