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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.

Saint-Simon a dit de Pauline (madame de Simiane), qu’elle était adorée de madame de Grignan, comme celle-ci l’était elle-même de sa mère[1]. Ce serait beaucoup ; ce serait même trop. Nous croyons qu’une lecture attentive des lettres de madame de Sévigné doit nous rassurer sur cet excès. Pauline fut certainement plus en faveur auprès de sa mère que Marie-Blanche. Elle était jolie enfant, elle annonça de bonne heure beaucoup d’esprit. Madame de Grignan eut, à ce qu’il semble, pour elle un moment de fantaisie, de fantaisie musquée, comme disait madame de Sévigné à propos du petit marquis. Mais fut-ce une affection bien sérieuse, bien solide, bien constante, vraiment digne d’être appelée maternelle, que celle qui parut être rebutée très-vite par les difficultés de l’éducation, et qui eut sans cesse besoin d’être stimulée, réveillée par madame de Sévigné et par tous les amis de madame de Grignan ? Pauline échappa au couvent, mais ce ne fut pas sans peine. L’espérance, qui se réalisa, de la marier avec une médiocre dot, l’aida beaucoup à s’y soustraire. Mais surtout elle fut soutenue par madame de Sévigné, qui, bien plus que madame de Grignan, l’aimait avec tendresse, et qui fut toujours, déplorable nécessité, son avocat auprès de sa mère. Elle seule empêcha que, dans un moment de découragement, cette enfant n’eût aussi sa vocation.

Dans sa première enfance, elle divertissait beaucoup sa mère. Ce que celle-ci écrivait sur elle à madame de Sévigné montrait qu’elle l’aimait beaucoup et la trouvait « très-digne d’être son jouet[2]. » Son petit nez carré était un trait de ressemblance avec sa grand’mère. Du reste, madame de Grignan la dépeignait si jolie, que madame de Sévigné ne croyait l’avoir jamais été autant, et pensait plutôt que la beauté de Pauline devait rap-

  1. Mémoires tome XI, P. 436.
  2. Lettres du 30 juin et du 3 juillet 1677.