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Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/262

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NOTICE BIOGRAPHIQUE


de pitié, lorsqu’il fallait que madame de Sévigné lui répétât continuellement : « Aimez, aimez Pauline ; » et que les étrangers eux-mêmes sollicitassent d’une mère cette amitié pour sa fille : « Madame de la Fayette vous prie d’aimer Pauline ; elle voit bien, dit-elle, que cette enfant est jolie, et veut, comme madame de Lavardin, que vous ne refusiez pas un bon parti[1]. »

Vers ce temps, madame de Grignan se plaignit beaucoup du caractère de Pauline et de son humeur difficile. Pauline était devenue farouche. Madame de Sévigné recommandait à sa fille de se divertir à la repétrir, de la mener doucement, de la corriger sans colère, de ne se point accoutumer à la gronder et à l’humilier. Elle semblait du reste attribuer au couvent d’Aubenas les défauts de son éducation. On peut aussi bien croire que l’humeur de Pauline s’était aigrie dans la maison maternelle, où elle ne trouvait pas une affection assez expansive ni assez tendre, et où l’on devait souvent lui laisser sentir qu’elle était une charge. Madame de Sévigné conseillait sagement beaucoup de patience et d’indulgence ; elle disait très-bien qu’il ne faut pas exiger des enfants la perfection, et faisait remarquer, avec un peu de malice, que « si Pauline n’était pas douce dans sa chambre, il y avait des gens fort aimés, fort estimés, qui avaient ce défaut. » Une autre fois elle écrivait : « Il est vrai que je sens de l’inclination pour elle ; seroit-ce parce qu’elle auroit quelque sorte de rapport avec vous par l’endroit même le moins parfait ? Ce seroit la violence de mon étoile qui m’y porteroit. » Il lui en coûtait toujours beaucoup de reconnaître des torts à madame de Grignan ; sa grande amitié pour Pauline ouvrait cependant de temps en temps les yeux à son aveuglement ; et il lui échappait des vérités sévères, qu’on ne peut s’empêcher de trouver étrangement significatives ; « Que je crois Pauline jolie ! Que je lui crois un esprit qui me plaît ! Il me semble que je l’aime et que vous ne l’aimez pas assez… Il me semble que si j’étois avec vous, je lui rendrois de grands offices, rien qu’en redressant un peu votre imagination[2]… J’aime en vérité Pauline ; je me sens portée vers elle ; il me semble que dans plusieurs petits procès qu’elle a contre vous, je lui serois favorable[3]… Je vous con-

  1. Lettre de madame de Sévigné 10 novembre 1688.
  2. Lettre du 23 février 1689.
  3. Lettre du 30 avril 1689.