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NOTICE BIOGRAPHIQUE


contrariée, lorsqu’elle disait : « Je ferois encore plutôt qu’Agnès et le corps mort s’en allassent ensemble ? » Mais ceci qui s’adressait à madame de Grignan, nous paraît moins obscur : » Il me semble que vous êtes méchante... Ce n’est pas une chose aisée à soutenir que la pensée de n’être pas aimée de vous : croyez-m’en. » Pauline, malgré tout, échappa au cloître, elle ne cacha pas sous le voile et sous la bure ses jolis yeux bleus avec des paupières noires et sa taille libre et adroite. Elle eut le bonheur de trouver un homme qui ne compta le bien pour rien, et elle se maria fort peu de temps avant la mort de cette grand’mère qui l’avait toujours aimée et protégée. Nous parlerons de ce mariage, quand nous serons arrivé à cette époque. Les chers pichons nous ont un peu trop éloigné de cette année 1677, où nous avons trouvé l’occasion de les introduire dans cette histoire.

Depuis que madame de Sévigné avait été si brusquement séparée de sa fille par ces terribles dragons, auxquels la santé ni de l’une ni de l’autre ne résistait plus, sa consolation avait été l’espérance de la revoir dans quelques mois. Elle avait reçu la promesse que madame de Grignan reviendrait passer l’hiver avec elle. Ce court intervalle devait suffire pour dissiper des vapeurs si extraordinaires, et laisser des deux côtés aux sages réflexions le temps de préparer de meilleurs jours. Tandis que madame de Grignan avait été demander à la Provence un changement d’air qui lui pût rendre son embonpoint et ses fraîches couleurs, madame de Sévigné, souffrante aussi, fit un nouveau voyage à Vichy. Elle quitta Paris, le 16 août 1677, avec le bon abbé, passa par Époisses, où elle demeura huit jours chez le comte de Guitaut, puis fut reçue par son cousin Bussy, avec une hospitalité très-empressée, dans son charmant château de Chaseu, près d’Autun[1], s’arrêta aussi à la Palice, chez la bonne Saint-Géran, femme de beaucoup d’esprit, « d’excellente compagnie et extrêmement aimable[2], » et enfin arriva, le 4 septembre, à Vichy. Entre autres amis qu’elle y trouva était le chevalier de Grignan, une des personnes de cette famille qu’elle aimait le plus. Le pauvre chevalier commençait alors à souf-

  1. À 10 kilom. S. O. d’Autun, dans la paroisse de Laisy. Bussy-le-Grand, l’autre résidence favorite de Bussy, est près de Sainte-Reine.
  2. Mémoires de Saint-Simon, tome I, p. 320.