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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


amitiés n’étaient pas faites pour céder à l’amour, ou comme elle s’exprimait plus finement, pour céder à l’autre[1].

Revenue à Paris le 7 octobre 1677, madame de Sévigné se hâta d’y préparer sa nouvelle demeure pour les hôtes qu’elle attendait. Sa joie était d’autant plus grande qu’elle savait que madame de Grignan allait amener le petit marquis. M. de Grignan devait venir lui-même, aussitôt après la clôture de l’assemblée ; le bas de l’hôtel de Carnavalet lui était destiné, ainsi qu’à ses deux filles, nées du premier mariage, Louise-Catherine de Grignan et mademoiselle d’Alerac, qui étaient au couvent à Paris et qu’on en ferait sortir pour les réunir à leur père.

Madame de Grignan arriva la première, avec son fils, au mois de novembre. Elle ne revenait pas en meilleure santé. C’était encore la même maigreur et la même délicatesse, qui faisaient le désespoir de sa mère. Lorsque M. de Grignan, qui était venu la rejoindre, retourna en Provence, en 1678, sa femme ne l’y put suivre ; madame de Sévigné la garda toute cette année avec elle ; ce ne fut point sans beaucoup s’excuser auprès de son gendre, dont elle craignait le mécontentement. Dans une lettre qu’elle lui écrivit le 27 mai 1678, elle lui fit connaître, en l’appuyant de témoignages, une consultation de Fagon, qui avait trouvé grave l’état de madame de Grignan et déclaré que « l’air subtil lui étoit contraire. » Madame de Sévigné passa à Livry l’été de cette année avec sa fille et les deux demoiselles de Grignan. Il était convenu que M. de Grignan reviendrait passer l’hiver auprès d’elles. S’il le fit, comme il est vraisemblable, il dut encore repartir seul ; car madame de Grignan ne quitta sa mère que le 13 septembre 1679[2]. Elle avait, comme l’annèe précédente, passé quelque temps à Livry, dans cette jolie et paisible campagne qu’elles aimaient beaucoup toutes deux, et où chacune d’elles avait, à ce qu’il paraît, son allée favorite, l’humeur de ma mère, l’humeur de ma fille, deux noms singuliers, sous lesquels on ne peut s’empêcher d’imaginer leurs goûts si différents, leurs caractères si opposés, leurs bouderies quelquefois, et leurs promenades séparées, après quelque mésintelligence, et qui font toujours rêver l’une à une belle allée souriante,

  1. Lettre du 1er mai 1680.
  2. Lettre de madame de Sévigné à Bussy 24 octobre 1679.