tience était égale à celle de mademoiselle de Grignan[1]. Plus on lit
attentivement ces lettres, plus on a de peine à n’y pas trouver
une ironie, qui serait excellente, si elle avait voulu être un
châtiment sévère, mais qui ne produit, disons-le franchement,
qu’un étonnement douloureux, quand on ne la voit nulle part
soutenue par un blâme ouvert et sérieux, et qu’on ne trouve
partout au contraire qu’approbation et manifestation de joie :
« Vous dites que cette sainte fille se conduit toute seule ; ah ! ma
fille ! qu’elle a un bon directeur ! laissez-la faire, abandonnez-la à sa conduite, et croyez, selon que j’en puis juger, que jamais
une conscience n’a été mieux dirigée. Ce sont des prodiges de
grâce que ces sortes de vocations ; je suis attendrie de cette haute
vertu[2]. » Ce n°est pas que nous allions jusqu’à soupçonner que
dans l’admiration tant de fois exprimée par madame de Sévigné
pour la touchante piété de mademoiselle de Grignan, il n’y ait
jamais rien eu de sincère. Cependant insister sur la spontanéité
d’une vocation qui semblait un si bon coup de partie, ne paraît
pas assez sérieux. Nous voudrions bien qu’il nous fût prouvé
que nous entendons mal ces passages. Ils nous font trop penser
à ce mot de madame de Sévigné que nous avons déjà cité :
« Tout ce qui peut m’avoir rendue haïssable venoit de l’inclination que j’ai eue toute ma vie pour vous. » Achevons de suite
cette regrettable histoire de la belle-fille de madame de Grignan,
et joignons-y celle de sa jeune sœur, mademoiselle d’Alerac.
Ce que devint, de 1680 à 1684, mademoiselle de Grignan et sa vocation, nous ne le savons pas. Mais une lettre de cette dernière année nous apprend qu’elle partit alors secrètement de chez sa belle-mère, avec qui elle était à Paris. Le 24 septembre, Charles de Sévigné, écrivant des Rochers à sa sœur, mettait encore dans sa lettre quelques mots pour sainte Grignan, et le 1er octobre, madame de Sévigné avait déjà appris cette fuite, dont elle était, disait-elle, plus fâchée que surprise. Elle expliquait le peu d’étonnement qu’une nouvelle, si étrange cependant, lui avait causé ; « Elle nous portoit tous sur ses épaules ; tous nos discours lui déplaisoient. » Pourquoi ? Madame de Sévigné entendait-elle que le monde et ses vaines paroles étaient