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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


sait de petits présents à Charles de Sévigné, qui l’appelait sa divine princesse. Madame de Sévigné écrivait : « J’aime la belle d’Alerac... Cette Alerac est aimable de me regretter comme elle fait[1]. » Il fallait certainement qu’elle plût à madame de Sévigné et se montrât pour elle très-attentive et très-affectueuse, pour que madame de Grignan dît à sa mère en badinant, mais non sans un peu de jalousie peut-être « qu’elle devrait avoir une fille comme mademoiselle d’Alerac[2]. » Dans ce temps, il était beaucoup question pour celle-ci d’un mariage avec le vicomte de Polignac. M. et madame de Grignan paraissent avoir secondé ce projet de mariage, qui n’eut pas de suite cependant, parce que le duc de Montausier, beau-frère de la première femme de M. de Grignan, oncle par conséquent de mademoiselle d’Alerac, suscita des obstacles avec beaucoup d’obstination. Madame de Sévigné, dans ses lettres à madame de Grignan, se plaint souvent de cette opiniâtreté à faire rompre une alliance « si convenable et si belle. » Elle est d’avis qu’on leurre mademoiselle d’Alerac d’une fausse espérance en lui faisant envisager, pour la consoler, la possibilité d’être épousée quelque jour par un duc, qui ne viendra point. « On se persuade aisément, dit-elle, que la crainte de ne point voir cette jolie fille établie ne touche guère M. de Montausier, et qu’il envisage sans horreur tout ce qui en peut arriver[3] ; » c’est-à-dire apparemment qu’il ne serait pas fâché si les grands biens de sa belle-sœur rentraient un jour dans sa famille. C’est donc par M. de Montausier que les véritables intérêts de sa nièce sont sacrifiés et trahis, et c’est du côté de madame de Grignan qu’elle est protégée. Les rôles paraissent intervertis ; ce qui surprend d’autant plus, que ce fut près de M. de Montausier que mademoiselle d’Alerac chercha plus tard un refuge contre sa belle-mère. Si nous avions les lettres de madame de Grignan, auxquelles madame de Sévigné répondait, tout cela s’expliquerait avec plus de clarté. Cherchons cependant à comprendre. Montausier n’avait pu parvenir à régler les articles du mariage comme il l’entendait. Il semble que c’était par des scrupules de loyauté qu’il était arrêté. « Je voudrois bien comprendre,

  1. Lettre du 20 septembre 1684.
  2. Ibid.
  3. Lettre du 13 décembre 1684.