Vibraye. M. de Montausier et madame d’Uzès n’approuvaient
pas ce mariage, qui était, dit Saint-Simon, fort inégal. Mademoiselle d’Alerac, ayant vingt-cinq ans, se maria, malgré leur
mécontentement, le 7 mai 1689. Saint-Simon attribue aux
mauvais traitements de madame de Grignan la nécessité où fut
sa belle-fille d’accepter un parti peu digne d’elle[1]. Il ajoute
que madame de Vibraye demeura toujours brouillée avec les
Grignan. S’il paraît y avoir dans ces assertions une certaine
part d’inexactitude, on y voit du moins quelle était, dans le
monde, l’opinion accréditée sur ces démêlés de famille. Mademoiselle d’Alerac, ayant quitté sa belle-mère depuis deux ans
lorsqu’elle épousa le marquis de Vibraye, ne put être directement poussée à ce mariage par les chagrins que madame de
Grignan lui avait, disait-on, causés ; mais ces chagrins n’avaient-ils pas décidé le premier pas qu’elle avait fait hors de la vie
heureuse et sagement réglée qu’on trouve sous la protection paternelle ? C’est ce qu’il semble du moins que beaucoup de personnes aient alors pensé.
Nous avions laissé madame de Sévigné aux Rochers en 1680, lorsque quelques-unes des lettres qu’elle écrivait alors à sa fille ont rendu nécessaire une digression sur les deux filles de M. de Grignan. Madame de Sévigné quitta la Bretagne le 21 octobre 1680. Elle espérait ne revenir à Paris que bien juste à temps pour y ranger l’appartement où elle recevrait bientôt sa fille. Elle l’engagcait vivement à venir avant l’hiver, sans attendre M. de Grignan, qui ne pouvait sitôt quitter la Provence ; car il devenait de plus en plus probable que sa présence serait encore nécessaire, cette année, pour la tenue de l’assemblée. Le duc de Vendôme cependant se rendait décidément cette fois en Provence, emmenant avec lui Moraut le nouvel intendant ; et madame de Sévigné, avec une satisfaction qu’elle cherchait peu à dissimuler, s’écriait : « Voilà qui va fixer les résolutions de M. de Grignan, en lui faisant voir la fin d’une carrière où il a couru si noblement[2] » Elle convenait toutefois que c’était une chose bien agréable que d’avoir en Provence réuni l’autorité du roi avec le nom de Grignan, et qu’un si glorieux interrègne, qui avait duré dix ans, pouvait