Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


mais qui n’y ayant jamais été véritablement éteints, se réveillèrent enfin avec une vivacité toute nouvelle. Madame de Sévigné le représentait, vers la fin de 1684, comme tout à fait tourné du côté de la dévotion. « Il est savant, disait-elle à sa fille, il lit souvent des livres saints, il en est touché, il en est persuadé... Sa femme entre dans ses sentiments : je suis la plus méchante, mais pas assez pour être de contrebande[1]. » Deux ans plus tard, elle écrivait à M. de Moulceau que son fils, qui venait de passer un mois avec elle à Livry, s’en était retourné chez lui, « avec un fonds de philosophie chrétienne, chamarrée d’un brin d’anachorète, et sur le tout une tendresse infinie pour sa femme, dont il était aimé de la même façon, ce qui faisait en tout l’homme du monde le plus heureux, parce qu’il passait sa vie à sa fantaisie[2]. »

Madame de Sévigné ne se sentit point d’abord pour sa belle-fille ces préventions favorables, cet enthousiasme dont elle avait été si promptement saisie pour les Grignan. Quelle que fût son amitié pour son fils, elle ne se passionnait pas pour tout ce qui le touchait, comme elle faisait pour ce qui tenait à sa fille. La jeune marquise de Sévigné[3] d’ailleurs ne paraît pas avoir eu ce qui séduit au premier coup d’œil. Elle manquait de beauté, de santé surtout ; sa délicatesse était extrême ; elle était accablée de vapeurs et ne pouvait toujours prendre sur elle-même de paraître gaie. Ce fut principalement un sentiment de pitié qu’elle inspira à sa belle-mère, lorsque celle-ci la vit aux Rochers avec son fils pendant l’automne de 1684. Madame de Sévigné écrivait alors à madame de Grignan que le nouveau ménage n’était pas du tout gaillard[4]. Quoiqu’elle voulût bien croire que sa belle-fille avait de bonnes qualités, sa première impression certainement fut qu’elle était insignifiante. Elle n’était « disposée, dans ces commencements, à la louer que par les négatives. » Elle ne lui trouvait pas l’accent breton ;

  1. Lettre du 27 décembre 1684.
  2. Lettre du 25 octobre 1686.
  3. Il semble qu’au moins jusqu’à son mariage, Charles de Sévigné, par égard sans doute pour sa mère, ait évité de prendre, si ce n’est dans les actes publics, le titre, qui lui appartenait cependant, de marquis de Sévigné. On l’appelait d’ordinaire le baron de Sévigné.
  4. Lettre du 27 septembre 1684.