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NOTICE BIOGRAPHIQUE


mais les accablements de sa fille la mettaient au désespoir : « Hélas ! lui écrivait-elle, je me trouve assez riche ; mais vous, mon enfant, toutes vos dépenses sont nécessaires, pressantes, étranglantes, et toujours sur peine de la vie ou de l’honneur. On ne sauroit imaginer un si terrible état, encore moins le soutenir[1]. »

C’était vers cette maison de Grignan, si voisine des derniers abîmes, c’était vers sa fille que la pensée de madame de Sévigné se tournait presque continuellement dans sa solitude de Bretagne ; c’était surtout parce qu’elle sentait tout le poids des embarras de cette fille si chère qu’elle demeurait dans une retraite si modeste, où toutes ses dépenses étaient suspendues ; c’était parce qu’elle ne l’aurait point retrouvée à Paris, qu’elle n’avait eu aucun désir d’y retourner ; ce fut pour aller la rejoindre en Provence qu’elle quitta enfin les Rochers, après un séjour de dix-sept mois, le 3 octobre 1690, Elle avait l’approbation de ses docteurs, c’est ainsi qu’elle appelait ses amies, madame de la Fayette et madame de Lavardin. Elle fit en trois semaines, en litière et sur le Rhône, le voyage de Bretagne en Provence, si long en ce temps-là. Le 24 octobre, elle fut reçue par M. et madame de Grignan avec une amitié, une joie, une reconnaissance, écrivait-elle à ses amis, qui lui firent trouver qu’elle n’était venue ni assez tôt ni d’assez loin. Sa présence donna sans doute plus d’efficacité aux conseils que de loin les deux prodigues avaient toujours reçus d’elle, et dut être bien profitable aussi à ses petits-enfants, objets en tout temps de ses plus tendres soins. Dans une lettre du mois de décembre 1960, elle parle d’un voyage qu’elle allait faire à Aix pour voir, dans son couvent de la Visitation, la pauvre Marie-Blanche, ses petites entrailles. Elle s’occupa beaucoup de Pauline et prit plaisir à cultiver son esprit, dont elle était charmée. Elle eut aussi près d’elle le jeune colonel, qui, ayant son régiment à Valence, put venir passer l’hiver à Grignan. Au printemps de 1691 il alla comme volontaire au siège de Nice, sous Catinat, et y montra une valeur intrépide ; puis il revint quelque temps près de sa mère, depuis le 30 avril jusque vers la fin de juin.

  1. Lettre du 14 juillet 1690.